L'émerveillement, source de vie - Jean-Luc BURGER en mémoire de Béatrice MBELLA BEMA
La rencontre avec l’émerveillement est toujours une expérience exaltante. Elle est l’expérience par excellence du lien avec les autres, l’environnement, la culture, soi-même, bref, avec la vie.
S'émerveiller a aussi la vertu de nous mettre en relation avec l'altérité. Le travail spirituel est discret, au fond de soi, invisible, régulier, parfois délicat. Mais il est le seul à accumuler des richesses qui jamais ne vous quitteront.
Béatrice MBELLA BEMA
Membre fondatrice honoraire de Meet Art Concept.
L’ EMERVEILLEMENT, SOURCE DE VIE
Il faut savoir se mettre à l’écart pour que l’autre puisse passer.[1]
Proverbe africain
Extrait de l'ouvrage "L'émerveillement, source de vie" à paraître prochainement
Avant d’écrire, on s’émerveille. En écrivant, on s’émerveille toujours. Sinon, ce n’est pas la peine de commencer. L’oeuvre littéraire n’exprime pas seulement un émerveillement qui a déjà été ressenti. Elle le cherche, lui permet d’être plus pleinement, le change et, dans une certaine mesure, le créé.
Issus de la sagesse populaire depuis la nuit des temps, les contes de fées stimulent notre imaginaire, nourrissent notre émerveillement d’enfant et ouvrent la porte de notre cœur ! Ils évoquent une contrée hors du temps, inconnue et symbolique, peuplée d’êtres magiques, de créatures étranges et fantastiques, ils parlent directement à notre âme et agissent consciemment et surtout inconsciemment sur notre monde intérieur.
L'émerveillement, plutôt que le doute est source de connissance. Parler aujourd'hui d'émerveillement peut sembler une folie, mais cette folie n'est-elle pas la plus grande sagesse devant la désespérance de ce monde ? L'émerveillement, en effet, n'est pas un luxe, ni même, la part des sots, mais peut-être, la plus haute vocation de l'homme. La connaissance en son sommet n'est pas accumulation de savoir mais fraîcheur du regard.
N'est-ce pas le secret de la véritable intelligence, celle qui est cachée aux sages et aux savants, mais donnée aux simples et aux enfants. L'émerveillement est à l'origine de toutes les grandes découvertes, de toutes les grandes créations artistiques ou scientifiques.
Entre le choc de l'étonnement et l'émerveillement, le chemin du silence et du questionnement est long, pour se libérer de la confusion et de l'opposition entre le réel, l'imaginaire et le symbolique.
Depuis des millénaires, la culture orale africaine dispose des rituels poétiques et musicaux qui valorisent les personnes. Les Grecs disaient que l’émerveillement était à l’origine du savoir. Si nous cessons d’être émerveillés, nous courons le risque de faire disparaître le savoir…
La rencontre avec l’émerveillement est toujours une expérience exaltante. Elle est l’expérience par excellence du lien avec les autres, l’environnement, la culture, soi-même, bref, avec la vie.
S'émerveiller a aussi la vertu de nous mettre en relation avec l'altérité. Le travail spirituel est discret, au fond de soi, invisible, régulier, parfois délicat. Mais il est le seul à accumuler des richesses qui jamais ne vous quitteront.
L’émerveillement peut se définir, peut s’apprivoiser, peut se représenter par une explosion d’émotion. C’est une chaleur douce. L’émerveillement se manifeste d’abord sous la forme de la joie. Parce que quand on est émerveillé, on en éprouve, et elle se manifeste aussi par cette émotion. Les sourires et le rire sont communicatifs, en plus de cela ils sont synonymes de souvenirs de plaisir et de joie intense.
L'émerveillement est extrêmement difficile à générer car il ne peut pas être artificiel. C'est une émotion vécue intérieurement. On peut tout faire pour créer cette expérience, mais elle reste une émotion personnelle, différente et propre à chaque individu.
L’émerveillent peut prendre différentes formes, allant de l’enchantement à la fascination, de l’étonnement à l’éblouissement.
Le merveilleux est souvent lié aux émotions, comme l’amour, l’amitié… Il vient aussi de l’inconnu, de la nouveauté. L’émerveillement est un super pouvoir, c’est le trésor de l’âme. Simplement, nous en avons oublié la formule et parfois l’envie.
La perte de l’émerveillement conduit à la culture de l’autosuffisance qui ignore la fragilité de l’être humain, à celle du cynisme qui fait penser que tout nous est dû et à celle de l’indignation et de la victimisation qui conduisent au ressentiment, à l’égoïsme et à la vengeance.
L’émerveillement nous fait prendre conscience que notre inéluctable fragilité est l’essence même de notre humanité, que la vie est un cadeau qu’on reçoit sans l’avoir mérité et que le monde est un miracle à notre portée.
Les moyens de vivre l’émerveillement sont multiples. Comment faire ? Développer la sagesse et la compréhension, la souffrance est souvent causée par l’envie et l’aversion, apprendre à vivre au jour le jour et non passé dans le passé ou l’avenir, exigence du courage et de la patience, la pratique de paroles aimantes, les actions bénéfiques, le don, avoir une pensée altruiste, s’engager pleinement sur la voie de l’éveil et en tirer tous les bienfaits.
Depuis quatre mille ans, la culture chinoise offre l'image d'une remarquable continuité. Des interrogations pour apprécier le présent et le vivre pleinement. Dans les Entretiens[2], Confucius manifeste son refus d’évoquer le monde de l’au-delà : « Zilu demanda comment servir les esprits et les dieux. Le Maître dit : “Vous ne savez pas encore servir les hommes, comment voudriez-vous servir les esprits ?” L’autre demanda : “Puis-je vous interroger sur la mort ?” Le Maître dit : “Vous ne comprenez pas encore la vie, comment voudriez-vous comprendre la mort ?”
La sagesse commence dans l’émerveillement, dit Socrate. A celui qui sait s’émerveiller est promis la sagesse. Et cela pourrait tout de même être une définition du bonheur, si tant est que l’on puisse définir le bonheur.
L’émerveillement est le point de départ de la connaissance, et en particulier de la connaissance de soi, puisque le « moi » s’efface pour laisser place à l’être universel capable de se comprendre lui-même et d’approcher l’essence de l’univers.
La véritable nature de l’homme est la totalité des relations humaines. Les couleurs sont destinées à se mêler, dans un arc en ciel riche et non pas dans la grisaille. L’homme sans histoire, sans culture, sans patrie, sans famille et sans civilisation n’est pas libre : il est nu et condamné au désespoir.
Si le Petit Prince revenait aujourd'hui, qu'aurait-il à nous enseigner pour nous guider sur la voie du bonheur et de la sagesse ? Un des livres les plus lus de par le monde, le Petit Prince est un récit que l'on doit à Antoine de Saint Exupéry et qui se rapproche des récits initiatiques.
Le Petit Prince
En racontant l’histoire du petit Prince, l’auteur aborde des thèmes majeurs qu’il établit selon une dualité : visible et invisible, adulte et enfant, amour et amitié, voyage et sédentarité, espace et temps, danger et destruction, signes et significations, questions et réponses, bonheur et chagrin.
La morale du Petit Prince est de garder son âme d’enfant : « On ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux ».
S’il fallait définir l’émerveillement, la tentation est grande pour dire que l'émerveillement peut aussi prendre différentes formes, allant de l'enchantement à la fascination, de l'étonnement à l'éblouissement.
« Émerveiller » dérive du préfixe « e » et de « merveille », mot issu du latin « mirabilia », qui désigne « les choses étonnantes, admirables ». Dans son premier sens, certes un peu vieilli, le mot « merveille » évoque prodiges et miracles, des prodiges de la Légende Dorée à ceux d’Alice au pays des merveilles.
Mais le sens usuel est celui d’une chose qui suscite l’étonnement et l’admiration, en général en raison de sa beauté, de sa grandeur, de sa perfection ou de ses qualités exceptionnelles.
Un des plus grands secrets des gens heureux est l’émerveillement, comme celui des gens malheureux, la râlerie ! En effet, les premiers trouvent toujours une raison de se réjouir et les seconds, celle de critiquer !
Les gens heureux savent s’émerveiller de tout ce qui les entoure, sans fioritures, sans grand discours… Une fleur colorée, un sourire, un dessin d’enfant, la fraîcheur du matin, l’odeur d’un bon café, le goût du pain chaud, un mot gentil, un bonjour, un sourire, un soleil levant…
La beauté de la nature
Pour Socrate, « la sagesse commence dans l’émerveillement ». L’émerveillement est au commencement de tout. L’émerveillement est là. Selon Socrate, la philosophie n'a d'autre origine que la capacité de s'émerveiller. Et Aristote enseignait que "ce fut l'émerveillement qui poussa les premiers penseurs aux spéculations philosophiques". Progressivement, toutefois, l'émerveillement a été considéré comme une étape "primitive" du déploiement de la pensée.
Au début du XXe siècle, le poète et pédagogue indien Tagore a fondé ses actions sur la quête de l’émerveillement. L'émerveillement est cette émotion un peu magique qu'une personne ressent lorsqu'elle est subjuguée, enchantée, sous le charme de quelque chose, de quelqu'un ou d'une scène. L'émerveillement peut prendre différentes formes, allant de l'enchantement à la fascination, de l'étonnement à l'éblouissement.
Jean-Luc BURGER
Président de MEET ART CONCEPT
Membre RENAISSANCE FRANCASE
[1] La signification du proverbe peut traduire un hommage à l’autre, pour le voir, le reconnaître et le faire connaître.
[2] Confucius, dans les Entretiens, enseigne que la vertu humaine possède un pouvoir magique, qui habilite la personne vertueuse à « accomplir sa volonté directement et sans effort par le rituel, le geste et l’incantation » (p. 30). « L’élément magique implique toujours de grands effets produits sans efforts, merveilleusement, et avec un pouvoir irrésistible qui est lui-même intangible, invisible, non manifeste.