Lorsque l’artiste Claude Mellan prit son burin, un outil permettant de graver une plaque de cuivre. Il créa une ligne spirale de 150 mètres pour représenter le visage du Christ. En partant du bout du nez de Jésus, il changea l’angle. Et la pression du burin pour grossir et affiner la ligne et réaliser un portrait spectaculaire.
LA GRAVURE
La gravure… Une discipline artistique méconnue, des artistes qui sont en même temps des artisans, un genre intimiste, des techniques diverses, un vocabulaire spécifique, un public d’amateurs et de collectionneurs…
Académie des Beaux-Arts.
La gravure, dans le sens littéral du mot, n’est pas une invention due à la civilisation moderne ; mais il a fallu que bien des siècles s’écoulent avant que l’on arrive à multiplier, par la voie de l’impression, les travaux du burin sur un exemplaire unique. L’art, fruit de cette découverte, a reçu par extension le nom de gravure.
La gravure traditionnelle entretenait des rapports étroits avec le livre, elle existait avant tout comme moyen de reproduction. Liée à la peinture et aux autres formes d’arts plastiques, elle les reproduisait et les diffusait au sein du livre.
La gravure doit vivre en dépit des découvertes diverses et garder la place qu’elle a prise parmi les arts du dessin le jour où, soit hasard, soit génie, un orfèvre de Florence imagina de couvrir de noir une plaque d’argent ciselée et d’en tirer une empreinte sur papier.
Les œuvres érudites de David, les tableaux lettrés, pour ainsi dire, de Girodet et de Guérin, ne pouvaient se produire qu’en vertu du caractère de l’art de la gravure. Enfin, il n’est pas jusqu’aux hommes dont le talent semble le plus fougueux, Jouvenet, Gros, Guéricault, qui ne laissent voir que la verve procède chez eux de la concentration de la pensée beaucoup plus que de l’inspiration subite.
Les peuples de l’antiquité ont connu et pratiqué la gravure, l’art de représenter les objets sur le métal, sur la pierre ou sur tout autre corps inflexible, par des contours dessinés en creux. Les Egyptiens, les Grecs, les Etrusques nous ont laissé des pièces d’orfèvrerie et des fragments de toute espèce qui prouvent de reste la pratique de la gravure dans leurs pays. Enfin personne n’ignore que l’usage des sceaux en métal et des cachets gravés sur pierres fines était général chez les Romains.
Sur ces origines très obscures on ne peut faire que des hypothèses. La première preuve de la gravure de motifs humains est une coquille ciselée, datant de 540 000 à 430 000 ans, de Trinil, à Java, en Indonésie, où le premier Homo erectus a été découvert. Des bandes écloses sur des coquilles d’œufs d’autruche utilisées comme réservoirs d’eau trouvés en Afrique du Sud dans le refuge rocheux de Diepkloof et datées de l’âge de la pierre moyenne vers 60 000 avant JC sont le prochain cas documenté de gravure humaine.
Dans l’Antiquité, la seule gravure sur métal qui pouvait être réalisée est les rainures peu profondes trouvées dans certains bijoux après le début du 1er millénaire avant JC La majorité des motifs dits gravés sur d’anciennes bagues en or ou d’autres objets ont été produits en ciselant ou parfois une combinaison de coulée de cire perdue et de poursuite.
Au VIIe siècle, en Chine, la gravure sur bois est connue. Les traces les plus anciennes se trouvent aux portes occidentales chinoises de la route de la soie, les grottes de Mogao à Dunhuang. Ils étaient à 9 le papier (en 206 après JC, dans la dynastie des Han), qui permettait, avec l’impression, la diffusion rapide et le coût des livres de toutes sortes, et à partir du xi e siècle sous la dynastie des Song du Nord, d’imprimer des billets de banque ou des publicités des cartes à jouer ou divers autres objets du quotidien ont commencé à être imprimés.
Claude Mellan né à Abbeville en 1598 et mort à Paris en 1688 est un peintre, dessinateur et graveur français. En 1649 , Il a gravé plusieurs scènes religieuses dont la célèbre Sainte Face du Christ sur le voile de Véronique réalisée par une taille unique en spirale qui, par ses épaississements, crée l’image. Dans sa gravure, le burin est considéré comme le chef-d'œuvre de Mellan. La plaque en cuivre originale est conservée à la chalcographie de la Bibliothèque royale de Belgique à Bruxelles.
Lorsque l’artiste Claude Mellan prit son burin, un outil permettant de graver une plaque une plaque de cuivre. Il créa une ligne spirale de 150 mètres pour représenter le visage du Christ. En partant du bout du nez de Jésus, il changea l’angle. Et la pression du burin pour grossir et affiner la ligne et réaliser un portrait spectaculaire.
On distingue généralement trois grandes familles de procédés de gravure : la gravure en relief, la gravure en creux ou taille-douce et la lithographie. La gravure, peut se diviser en plusieurs genres principaux. L’un comprend les procédés au moyen desquels chaque trait, dessiné sur une surface plane, se trouve ensuite mis en relief par le travail du graveur, et, une fois enduit d’encre, s’imprime sur le papier en vertu même de cette saillie ; l’autre comprend les procédés tout opposés, ceux qui consistent à figurer les contours, les ombres et les demi-teintes par des tailles creuses que remplira la matière colorante, et à laisser intactes les parties qui devront apparaître en blanc sur le papier. La gravure en bois représente le premier des genres : la gravure sur métal, la gravure au burin ou en taille douce, appartient à l’autre.
La gravure à l’eau forte, employée d’abord par les armuriers, fut, dit-on, appliquée pour la première fois à l’exécution des planches, en Allemagne, vers la fin du XVe siècle. Depuis lors, elle a séduit un grand nombre de dessinateurs et de peintres, parce qu’elle n’exige qu’un assez court apprentissage et qu’elle est, de tous les genres de gravure, le plus expéditif.
LA GRAVURE EN RELIEF
On dessine sur la planche le motif à graver, puis à l’aide d’une lame acérée, on champlève le dessin : on enlève la matière au droit des espaces blancs du dessin (taille d’épargne).
La gravure en relief est l’une des plus anciennes techniques d’illustration, l’Antiquité l’utilise déjà. Arrivée en Europe vers l’an 1000, elle permettra d’imprimer des images sur étoffes, d’illustrer des livres, des cartes à jouer…
On choisira un bois dur et dense, comme le poirier, ou mieux le buis. On le taille dans le sens transversal, on découpe en parallélépipèdes les parties denses et homogènes du cœur et on les assemble par collage. La surface de la planche ainsi obtenue est ensuite parfaitement dressée et polie.
La gravure sur bois debout s’effectue sur une planche coupée perpendiculairement aux fibres. La technique est dite en relief comme pour la gravure sur bois de fil, mais le bois étant plus tendre dans ce sens , la taille est plus facile et plus précise. Les formats sont plus petits, ils dépendent de la dimension de l’arbre. La gravure sur bois debout permet à l’artiste de produire des images multiples comportant des détails d’une grande finesse qui permettent de transcrire remarquablement les demis tons mais aussi des expressions graphiques plus puissantes aux contrastes affirmés.
Que la gravure en bois, au surplus, ait été d’abord appliquée à l’exécution des images de sainteté ou à la fabrication des cartes, le procédé n’en demaure pas moins, il faut le dire, celui que l’on accorde généralement à regarder comme le plus ancien, comme le premier mode de gravure qui ait fourni à l’impression des types à multiplier et à convertir en épreuves.
Le bois se prête très bien à la gravure en couleur, ou en camaïeu, c’st-à-dire ton sur ton, en superposant l’impression de planches de couleurs variées.
L'inventeur de la gravure en couleur est un artiste né à Francfort en 1667 qui a travaillé à Amsterdam et à Londres, Jacques Christophe Le Blond. Il imagina d'imprimer successivement, sur une même feuille de papier, des planches chargées chacune d’une encre de couleur différente. À l’aide de repères très exacts, les dessins devaient se rencontrer. Les premières gravures en couleur apparaissent au début du XVIIIe siècle et sont destinées tout d’abord à la reproduction de toiles des maîtres puis à l’illustration de traités d’anatomie. Elles procèdent de la superposition de trois plaques additionnant les trois couleurs fondamentales : le jaune, le rouge, le bleu.
Ce procédé est souvent difficile à distinguer de la gravure sur bois dont il diffère seulement par la nature du support.
La linogravure est elle aussi très voisine de la gravure sur bois. La facilité avec laquelle le linoléum se laisse travailler donne à ce procédé d’excellentes qualités didactiques. La linogravure est cependant un procédé original qui ouvre d’intéressantes possibilités
LA GRAVURE EN TAILLE DOUCE
La gravure en taille-douce, fort simple quant au procédé, exige cependant une très grande habileté matérielle. Lorsque les contours ont été décalqués et transportés du dessin sur une planche formée le plus ordinairement de cuivre rouge, on entame le métal avec un outil acéré qu’on nomme la pointe sèche. Ensuite on creuse plus profondément chaque taille, ou bien on en pratique de nouvelles avec le burin, qui, en vertu de sa forme, agit par incisions angulaires. Cet instrument, dont le maniement est très pénible, doit exprimer par des tailles plus ou moins serrées ou dirigées en divers sens, par des points et par des hachures, la forme et l’effet de tous les objets figurés dans l’original.
Les procédés de taille-douce sont nombreux : les moyens chimiques, physiques ou mécaniques pour modifier l’état de surface d’un support peuvent être utilisés. Ils vont permettre d’obtenir des effets, des colorations, des matières qu’il ne serait possible d’obtenir par aucun autre procédé graphique.
Tout support suffisamment lisse pour pouvoir être essuyé se prête à la “taille douce” : on peut graver sur du métal : du cuivre, du zinc, du laiton… mais aussi sur du plexiglass, ou des boites de lait ou de conserve. Dans tous les cas de figure, lors de l’encrage de la plaque, l’encre va se mettre dans les parties rayées, creuses, le reste sera essuyé. Ce principe fonctionne avec tout matériau dont la surface est lisse.
Le burin est le plus ancien procédé de taille-douce, le plus simple et peut-être le plus noble. Outil des orfèvres qui furent les premiers graveurs en taille douce, le burin est un curieux instrument que l'on tient dans la paume de la main en repliant les doigts de manière à permettre à la lame d'être aussi près que possible de la planche.
Il semble que les outils de la gravure au burin soient ceux que les orfèvres utilisaient. Au xie siècle, le moine Théophile les mentionnait déjà3. Vasari, en 1550, confirme le lien entre orfèvre et graveur au burin. « Les spécialistes inclinent à penser que la taille-douce serait née vers 1430, dans le nord de l'Europe, entre l'Allemagne et les Pays-Bas. [1]»
La pointe sèche
La pointe-sèche est une technique de gravure par attaque directe du métal, en le griffant au lieu de l'inciser. Cela distingue les « pointes sèches » à la fois du burin, et des autres pointes (comme l'échoppe), utilisées dans les techniques à l’eau forte pour gratter la couche de vermis protectrice
Dürer est l'artiste qui utilise en premier cette technique de manière significative et qui lui donne de l'ampleur en l'appliquant à des œuvres de relativement grand format, après le Maître du Livre de Raison1. Rembrandt s'en servira pour donner une atmosphère plus tragique aux scènes gravées. Au XVIIe siècle, elle fut employée notamment par Jacques-Philippe Le Bas. C'est au XIXe et au XXe siècles que les artistes l'utilisèrent de façon plus systématique (par exemple les dernières œuvres d'André Béguin ou de Claude-Jean Darmon).
Ce procédé permet une grande liberté et ses ressources sont infinies mais au contraire de ce que l’on pourrait supposer, sa mise en œuvre exige un long apprentissage et un solide métier.
L’eau-forte est un procédé de taille indirecte (par morsure du métal par un acide), par opposition à la taille directe (à l’aide d’outils, tels burin ou pointe sèche). En un sens général, l’eau-forte, qui est à la fois le procédé, la gravure sur métal et l’estampe obtenue par cette gravure, s’oppose aux autres procédés de taille douce (ou gravure en creux), exécutés aux outils (burin, pointe sèche, manière noire).
De grands graveurs, comme Urs Graf (1485-1527, actif à Zurich et à Bâle) dès 1513, et Albrecht Dürer (Nuremberg, 1471-1528), en 1515, sont parmi les premiers à exploiter cette technique pour ses caractéristiques propres.
C’est une variante de l’eau-forte, mais au lieu de dessiner avec une pointe sur le vernis, on utilise une petite molette qui tourne autour d’un axe fixé au manche de l’instrument.
La gravure en manière de crayon fut surtout utilisée au XVIIIe siècle et avait pour but d'imiter le dessin au crayon. On commençait par vernir le cuivre comme pour la gravure à l'eau-forte, seulement au lieu de travailler à l'aide de pointes ordinaires, on se servait de pointes spéciales, de pointes doubles et triples, de poinçons, de mattoirs, de roulettes, etc., enfin de toute une série d'instruments destinés à imiter les pointillés du crayon.
Ce procédé est en fait intermédiaire entre la gravure en creux et celle en relief, mais on a l’habitude de le ranger dans les procédés de taille-douce.
Les moyens employés pour graver en manière noire diffèrent complètement des opérations du burin et de la pointe. Avec ces deux instruments, on indique sur le cuivre, par des tailles ou par des traits, les ombres et les demi-teintes : dans la gravure en manière noire, au contraire, l’outil dont on se sert râcle le métal, afin d’y figurer les lumières, et laisse intactes les parties de la planche aux ombres à obtenir.
Le graveur saupoudre la plaque de grains de résine, de manière plus ou moins dense. La plaque est ensuite chauffée, la résine adhère, puis les grains durcissent et forment autant de petits points résistants. Le métal est creusé à l'acide autour de ces grains.
Il faut renouveler plusieurs fois l'opération et superposer les taches. Ce procédé est généralement associé à l'eau-forte, un vernis protégeant les parties non grainées. L'aquatinte permet d'obtenir des tonalités aux valeurs nuancées, à la manière d'un lavis.
LA LITHOGRAPHIE
Par certaines de ses caractéristiques, la lithographie pourrait être considérée comme une variante de la gravure en relief.
Différents supports sont à la disposition des artistes : les pierres, bien sûr, qui pourront être lisses ou plus ou moins grainées selon les effets à obtenir, le zinc ou le papier report qui permettra de dessiner à l’endroit et de reporter le dessin à l’envers sur la pierre lithographique par passage à la presse.
La lithographie est toujours très utilisée. Elle présente l’avantage de ne pas exiger un apprentissage particulier : un bon dessinateur sera un bon lithographe. Il lui faudra cependant soin et expérience pour savoir tirer tout le parti de ce procédé.
L’ART DE LA GRAVURE
Le travail artistique de la gravure consiste à faire apparaître un dessin sur un matériau en creusant ou en incisant celui-ci pour obtenir un jeu de reliefs et d'espaces vides, qui met en valeur la création artistique.
La gravure, comme le dessin ou la peinture, est un art graphique, où l'artiste travaille non pas sur le support final, mais sur un matériau intermédiaire, destiné à être encré puis imprimé sur une feuille de papier. Lorsque le graveur est également le créateur de l'image, le résultat obtenu est une œuvre originale.
Une fois gravée, la plaque est encrée, on la pose sur le plateau de la presse, on la recouvre d’une feuille de papier, d’un lange en feutre et là c’est le moment magique. Le graveur fait tourner la roue de la machine et, qu’elle soit grande ou petite, ancienne ou moderne, l’émerveillement est toujours au rendez-vous.
La gravure permet d’obtenir plusieurs tirages et, selon la technique utilisée, leur nombre réglementaire varie (la plaque est fragile, elle peut se rayer, les traces d’outils s’effacent aussi, sous pression). Les tirages sont numérotés (1/10 etc), il y a aussi la possibilité de tirer plusieurs “épreuves d’artiste” qui seront hors commerce. Il faut savoir que de nombreux artistes ne s’intéressent pas au principe de tirage multiple et réalisent des œuvres uniques ou de variantes colorées différentes.
Si dès le XIIe siècle nous trouvons en France des exemples de lettres gravées et d’images imprimées à l’aide de matrices taillées en relief, la qualification de graveur sur bois, liée à un métier prenant chez nous son essor au XIVe siècle avec la création d’estampes, fut tardive, les artisans et artistes l’exerçant ne commençant à désirer se différencier des tailleurs d’images qu’au XVe siècle, obtenant bientôt de se voir qualifier de tailleurs de bois, puis d’imagiers en papier avant de conquérir au XVIIIe siècle le titre sous lequel nous les connaissons désormais
Au XIIIe siècle, des lettres ciselées en relief sur un fond pointillé se rencontrent sur des plaques funéraires, et en France les statuts d’Étienne Boileau, datant en 1268, parlent des tailleurs de moules. Dans un même ordre d’idées, les graveurs de sceaux taillaient en relief des figures et des inscriptions. L’usage des fers à estamper le cuir était fréquent au Moyen Âge, surtout pour les reliures des livres. Imaginons l’impression d’une de ces matrices sur un feuillet de parchemin, au lieu d’une bande de cuir, et nous avons une véritable gravure en relief.
Or, il est incontestable qu'entre 1370 et 1425 ou 1430 Fart du dessin produisait déjà et avait produit en France des œuvres remarquables dans la peinture, la miniature, le vitrail, sans parler même des Très riches Heures du duc de Berry, du Parement de Narbonne ou, bien avant, de Y Album de Yillard de Honnecourt.
Le XVe siècle a vu naître, avant l’imprimerie, dans une Allemagne encore tout imprégnée de l’esprit gothique, un nouveau moyen d’expression : la gravure. Dès le début du siècle, les premières xylographies ou gravures sur bois en relief circulent. Leur graphisme est simple et le plus souvent rigide. Puis, vers 1430, apparaissent les gravures en taille-douce : gravures sur métal, en creux. C’est un peu plus tard, vers 1450, que le procédé est découvert en Italie. L’image multiple, véritable bouleversement dans la diffusion d’un langage visuel, se répand alors en Europe.
Mais, au XVe siècle, lorsque des artisans et des artistes décidèrent de se consacrer entièrement à la gravure, ils cherchèrent à se séparer de leurs confrères, les tailleurs d’images. On a retrouvé la requête d’un Jean van der Berg, « printsnydere » (tailleur en bois), de Louvain (Belgique), qui expliquait, en 1452, que son métier différait de celui des sculpteurs, puisqu’il consistait uniquement à tailler des lettres et des images dans le bois ; mais le juge lui donna tort, car les autres firent valoir qu’il se servait des mêmes outils que les charpentiers, huchiers et tourneurs.
Dès la deuxième moitié du XVIe siècle, la gravure est une expression artistique très en vogue, relayant l’imprimerie auprès des populations illettrées.
Au début du XVIe siècle, on appelle graveur l’artisan, employé de l’orfèvre, qui est chargé des travaux sur métal : on lui confie la ciselure au burin et, par conséquent, la taille des estampes qui ne sont, alors, que des modèles d’orfèvrerie. Bien entendu, les grands burinistes et aquafortistes français qui gravent sur cuivre ne prennent pas le titre de ce modeste praticien ; ils conservent celui, bien plus honorable, de peintre ou d’orfèvre, d’autant qu’ils ne sont pas professionnels du burin, et qu’ils ne gravent qu’à l’occasion.
Maso Finiguerra, né en 1426 à Florence où il est mort en 1464, est un orfèvre et un graveur italien qui s'est distingué par son usage du niellage sur des calices, patènes, reliquaires, poignées d'épées, bijoux en argent. Il travailla avec son maître Lorenzo Ghiberti aux portes du baptistère de Florence. Les estampes dues aux peintres-graveurs florentins venus après Finiguerra marquent une époque de transition entre le premier âge de la gravure italienne et le moment où l’art entré dans sa période virile n'hésite plus à user de ses forces et se montre à la hauteur de toutes les entreprises. De tous les graveurs italiens qui, vers la fin du XVe siècle, achèvent de populariser dans leur pays l’art dont Florence avait révélé les premiers secrets et fourni les premiers exemple, le plus fortement inspiré comme le plus habile est sans contredit Andrea Mantegna.
Jésus Christ en croix – Gravure en bois allemande – XVe siècle
Le premier artiste majeur à graver était Martin Schongauer (vers (1450-1491) ; il travaillait dans le sud de l'Allemagne et était également un peintre renommé. Son père et son frère étaient orfèvres, alors il est fort probable qu'il eut rapidement expérimenté le burin. Ses 116 gravures sont d'une remarquable autorité et beauté et devinrent célèbres en Italie et dans le nord de l'Europe ; elles furent d'ailleurs abondamment copiées par d'autres graveurs. Schongauer développa la technique de la gravure, en particulier en affinant la hachure pour mieux représenter le volume et les ombres, uniquement au moyen de traits linéaires.
La tentation de Saint-Antoine – Martin Schongauer
Le rôle de la gravure fut essentiel à partir de la fin du Moyen-Âge. Autorisant la diffusion des inventions décoratives et plastiques, facilitant la circulation des idées, la gravure a été l’un des ferments qui a permis le fantastique bouillonnement de la Renaissance. À cette époque, les principaux centres d’activité de la gravure à ses débuts furent Florence, Ferrare et Mantoue, au XVe siècle, puis Milan, Venise et Bologne, à la fin du XVe et au siècle suivant. Il est d’usage, lorsque l’on évoque ces premières gravures, de citer les premiers écrits sur cet art, ceux de Vasari (1512-1574), parus un siècle après son invention.
Martin Schoen eut bientôt des imitateurs et des émules à Munich, à Mekenen en Westphalie, à Nuremberg, où le plus célèbre des artistes allemands de l’époque, Michel Wolgemuth, enseignait l’art de graver et de peindre au jeune Albert Dürer. Né à Nuremberg, Dürer établit sa réputation et son influence à travers l'Europe dans sa vingtaine grâce à ses gravures sur bois de haute qualité. Il est en contact avec les grands artistes italiens de son temps, dont Raphael, Giovanni Bellini et Léonard de Vinci, et à partir de 1512, il est patronné par l'empereur Maximilien 1er. Sa série de seize dessins de L’Apocalypse, son premier livre illustré, est publiée en 1498 à compte d'auteur; elle obtient un grand succès. Il réalise les sept premières scènes de la Grande Passion la même année, et un peu plus tard, une série de onze scènes sur la Sainte Famille et les saints.
Lors des cinq dernières années du XVe siècle, Albrecht Dürer commença à produire, dans son atelier de Nuremberg, des gravures sur bois de la plus grande qualité qui se sont diffusées très rapidement dans les centres artistiques européens.
Albrecht Dürer, Adam et Ève, dit aussi La Chute de l’Homme, 1504 Gravure sur cuivre au burin • © Bibliothèque nationale de France
Dürer atteint un sommet de perfection. Inspiré par les études de Vitruve, les sculptures antiques, les nus du graveur vénitien Jacopo de’ Barbari et ses recherches anatomiques menées en Italie, l’artiste dessine des poses gracieuses, mises en valeur par la forêt obscure de l’arrière-plan.
La gravure sur bois qui a produit des chefs-d’œuvre au seizième siècle, brilla d'un dernier éclat, au XVIIe siècle, avec Christoffel Jegher, l'interprète privilégié de Rubens, puis déclina devant le travail plus fin et plus nuancé de la taille douce. Cependant, le bois n'avait pas totalement disparu car il était toujours apprécié dans l'art du livre où il fournissait bandeaux, culs-de-lampe et vignettes d'ornementation. De son côté, l'image populaire restait fidèle au bois gravé colorié, principalement à Turnhout, centre de fabrication de la carte à jouer.
Le XVIIIe siècle aura été une des grandes époques de l'histoire de la gravure française. Il a produit des œuvres parfaites dans les genres les plus divers, dans le livre de fêtes comme dans le livre à vignettes, dans le portrait comme dans le paysage, dans les grandes compositions comme dans les menues scènes de mœurs appliquant d'abord les procédés les plus éprouvés (le burin et l'eau-forte), mais aussi la gravure en manière de crayon, la gravure en manière de lavis, la manière noire et le pointillé, inventant la gravure en couleurs. Les grands collectionneurs recouraient à la gravure pour faire reproduire leurs galeries, et la plupart des peintres cultivèrent ce commerce. Avec Chardin et Greuze, on multiplia même les raretés capables de valoriser les gravures. Depuis ce temps on distingue, entre les « états », les épreuves avant et après la lettre (la légende), les « remarques » (esquisses jetées par le graveur sur la marge de sa plaque). La gravure acquiert ainsi peu à peu une valeur intrinsèque.
Deux inventions du XVIIIe siècle, la gravure sur bois debout et la lithographie, révolutionnent l'image imprimée et vont faire du XIXe siècle l'âge d'or de la gravure. Des peintres tels que Delacroix, Manet s'expriment directement sur la pierre, tandis que des graveurs, comme Tony Johannot, Grandville ou Gustave Doré creusent le buis pour créer les célèbres vignettes.
Les imageries du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle usent de techniques de représentation anciennes pour raconter une histoire et une action en une seule image. Plusieurs scènes successives peuvent ainsi être représentées sur une même gravure, comme autant d’épisodes du récit. Le texte, souvent présent, décrit la scène. Bientôt s’imposera le découpage de la feuille en vignettes - ou cases – successives, soulignant le caractère narratif du dessin.
En Angleterre, dans le dernier quart du XVIIIe siècle, un graveur de Newcastle, Thomas Bewick, avait favorisé l'essor d'une nouvelle technique, la gravure sur bois de bout : la plaque de buis était découpée perpendiculairement aux fibres du bois et gravée au burin. Tout le « renouveau » du bois gravé au XIXe siècle est parti de là, puisque désormais la technique xylographique — la seule à l'époque qui permettait de faire le tirage à la fois du texte et de l'image, parce qu'elle était comme lui gravée en relief — pouvait s'améliorer grâce à l'emploi de bois durs, d'un grain fin, et ainsi donner des résultats aussi satisfaisants que la gravure sur métal.
Victor Cassien (1808-1893)
Gravure : le Village de Livet (Romanche-Isère)
Album du Dauphiné, Grenoble, 1835-1839
Dans les années 1830, Victor Cassien et Alexandre Debelle dirigent leurs pas sur les chemins et les routes de l’ancienne province du Dauphiné. Artistes grenoblois, ils visitent les villes et les villages à la recherche des monuments, souvent en ruines, de l’ancienne province du Dauphiné.
La gravure au XIXe siècle reprend des sujets et des thèmes traités en peinture. Ainsi les tableaux de Pierre-Antoine Labouchère (1807- 1873), très inspiré par la vie de Martin Luther, sont gravés tout au long du siècle par différents artistes.
En France, les premiers timbres sont émis le 1er janvier 1849 sous la Seconde République. La figure retenue pour les illustrer est Cérès, la déesse de l’agriculture. Elle est ensuite remplacée par l’effigie de Napoléon III qui instaure le Second Empire en 1852.
Vignette représentant l’affranchissement d’une lettre payée par l’expéditeur, le timbre-poste prend très vite une dimension artistique. En effet, véritable estampe en miniature, le timbre est un support de création dont le sujet est dessiné, photographié ou encore gravé, avant d’être imprimé et diffusé à des millions d’exemplaires. Son élaboration accorde une place centrale au geste artistique à travers l’intervention de dessinateurs et de graveurs tout au long du processus. Le timbre, objet artistique, se fait aussi le vecteur de toutes les formes d’art à travers les thématiques des programmes philatéliques célébrant l’histoire des arts et la culture.
Aux œuvres de Cheret, Toulouse-Lautrec et Mucha vont succéder celles de Ca-piello, Cassandre et Paul Colin. Avec ces artistes, l’affiche se sépare de la peinture pour devenir un mode d’expression original et attachant. L’affiche n’en subit pas moins l’influence des styles et des modes : cubisme, surréalisme... En Allemagne, le Bauhaus s’intéresse à ce domaine et des artistes comme Moholy-Nagy, Bayer ou Schmidt contribueront à affirmer sa spécificité. La gravure a également apporté à la Belle Époque un mode d’expression qui a inspiré nombre d’excellents artistes. Paul Helleu (1857-1927) a utilisé la pointe sèche avec une virtuosité impressionnante pour réaliser de merveilleux portraits des plus belles femmes de son temps.
Les premières estampes, publiées à l’époque du Bateau-lavoir, au tout début du siècle, classent d’emblée Pablo Picasso parmi les plus grands graveurs. Mais très vite, avec Braque, il cherchera de nouveaux modes d’expression et ce sera le cubisme qui marquera des graveurs comme Delaunay, Léger, et surtout Jacques Villon (1875-1963). Picasso utilisera tous les procédés, exécutera de nombreuses gravures reflétant les tendances de ses incessantes recherches picturales et témoignant de sa sensibilité et de son habileté.
Les artistes des mouvements Die Brücke et Blaue Reiter sont attirés par la gravure sur bois où ils peuvent jouer avec la simplification des formes. Au 20e siècle, deux tendances vont voir le jour. L’artiste est dans l’action. Le mouvement est inhérent à l’idée de l’artiste qui est forme. La première tendance réside dans la démarche ; le travail préparatoire composé de croquis, de réflexions, d’annotations montre l’œuvre en train de se faire. (Marcel Duchamp, Joseph Beuys) La seconde tendance revendique la création sous l’impulsion du geste. Geste incarné pour Matisse : « Un dessin n’est-il pas la synthèse, l’aboutissement d’une série de sensations que le cerveau a retenues, rassemblées et qu’une dernière sensation déclenche, si bien que j’exécute le dessin avec l’irresponsabilité d’un médium. »[2]
Matisse expérimente toutes les techniques: gravure sur bois, gravure, pointe sèche (gravure Henri Matisse, 1900), lithographie (Grande odalisque avec pantalon bayadère, 1925, Berne, collection EWK), aquatinte et linogravure.
Après leur désignation comme art à part entière à partir des années 1660, dessin et gravure vont s’émanciper de leur fonction préparatoire à l’œuvre (comme esquisse, ou étude) pour gagner une autonomie et une part créative d’autant plus riche et étendue qu’elle s’appuiera sur de nombreuses expérimentations techniques et plastiques.
De très nombreux artistes se tournent, entre 1880 et 1960, vers la gravure comme procédé artistique et mode d’expression. Ils n’utilisent pas exclusivement une technique définie mais adapte leur savoir-faire selon le sujet ou le rendu souhaité. Des artistes, comme Henri Rivière et Auguste Lepère, favorisent un regain d’intérêt pour la gravure sur bois, en participant activement au renouveau de cette technique. Ils adoptent la technique japonaise de l'estampe en couleur et confèrent à la lithographie en couleurs un nouvel engouement. En marge des courants de son époque, Henri Rivière puise son inspiration dans les paysages de Bretagne, où il séjourne régulièrement, ainsi que dans les estampes japonaises qu'il collectionne.
A la fin des années 1950, le peintre torontois Harold Town se consacre à la lithographie et crée des estampes autographiques uniques de qualité exceptionnelle. Il explore diverses techniques d'impression, telles que le pochoir, la linogravure et l'impression en superposition
Enfin, l'art du XXe siècle donne à l'artiste-graveur un espace de liberté et de créativité inégalé qui clôture l'exposition.
Pierre Soulages, peintre français (1919-2022) a rendu un hommage à la gravure :
« J’ai fait de la gravure parce que, qu’avec la gravure quelque chose apparaissait qui ne pouvait apparaître avec la peinture. »
[1] Schedula diversarum artium [Traité des divers arts] est le titre d'un ouvrage du premier quart du xiie siècle1, consacré aux techniques de l'art et composé par un prêtre du nom de Théophilus Presbyter (Théophile le moine). Selon certains historiens il ne ferait qu'un avec Rugerus (Rogkerus ou Roger) un orfèvre, moine bénédictin du monastère de Helmershausen, sur la Diemel, en Saxe, car la partie des arts du métal est très développée2. Cependant cette confusion des personnes est encore discutée..
[2] Henri Matisse, Écrits et propos sur l’art.