La Benne et la Bête (Siné novembre 1998)
"Comme vous avez dû le remarquer, Jean-Marc Luszpinski peint des camions, et pas qu'un pneu; beaucoup de camions, énormément de camions et uniquement des camions. Il n'est pas le seul, les carrossiers aussi, me dire-vous. Oui, mais à l'inverse de ces derniers, lui peint sur toile, sur châssis, sur tout ce qui lui tombe sous la main, mais jamais sur les camions eux-mêmes. Les camions, il les aime trop pour barbouiller dessus. Il les adule, il les vénère, il les trouve magnifiques. C'est d'ailleurs à lui qu'on doit la célèbre expression "beau comme un camion", hélas maintenant tellement galvaudée. Véritable artiste hors du commun, les nanas ne l'interessent pourtant guère. Il préfère, de loin les pelleteuses aux gueuses et les grues aux tapins. Il s'envoie mieux en l'air avec une bétonnière qu'avec une rombière.
Jamais vous ne verrez la cabine d'un de ses gros-culs préférés décorée d'une superbe pin-up déshabillée, non plus d'ailleurs que vous ne dévinerez, derrière un pare-brise, la tronche d'un quelconque chauffeur musclé. Avec lui, vous ne risquez pas de lire un jour, à l'arrière d'une de ses semi-remorques : "Les routiers sont sympa". En fait, les êtres humains ne le branchent pas. Il a tendance à les trouver tous, à part les acheteurs de ses oeuvres, cons, vilains et méchants. En revanche, il ne vous sera pas difficile de distinguer, sur les tablers maculés de ses monstres, quelques tâche de meme nature que celles relevées sur la robe de Monica Lewinsky ! Mais comment lui en vouloir ? La passion des excavatrices et des bulldozers qui le dévore est loin d'être platonique et, quelquefois, sa main, bien qu'experte, emportée par un incontôlable élan, se goure de pinceaau !
Cela n'est pas fait, bien sûr, pour étonner un critique d'art chevronné comme je le suis et qui sait, depuis belle lurette, qu'il existe une relation intime et constante entre les mots "camion et décharge", mais je conçois qu'un public non averti et quelque peu néphyte puisse trouver ça bizarre et même carrément déguelasse.
Mais n'oublions tout de même pas qu'aant lui, Van Gogh jouissait dans les blés, Cézanne sur ses pommes et Monet dans ses nénuphars.
Alors... "